Périodiquement, des déclarations ou des commentaires réapparaissent dans l’espace public prétendant que l’Occident aurait assuré à la Russie dans les années 1990 que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est. C’est faux.
Contexte
L’idée d’une prétendue trahison de la Russie par l’Occident à la fin de la guerre froide en promettant que l’Alliance de l’Atlantique Nord ne s’étendrait pas avec la réunification de l’Allemagne a commencé à être largement diffusée dans les médias et sur les réseaux sociaux à partir de la déclaration du président Poutine lors de la conférence annuelle prononcée le 23 décembre 2021. Alors, le leader du Kremlin a déclaré : « L’OTAN nous a promis qu’elle ne s’étendrait pas vers l’est en 1991. Ils nous ont menti. Depuis lors, cinq vagues d’adhésion ont eu lieu. Aujourd’hui, en Roumanie et en Pologne, l’alliance a installé des armes d’attaque. » Le 27 janvier 2022, le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, a déclaré lors d’une conférence de presse : « Ils ont promis de ne pas élargir l’OTAN, mais ils n’ont pas tenu leur promesse. Mais nous savons tous bien à qui et quand de telles promesses, de telles assurances sont faites. Et maintenant, ils envahissent nos frontières nationales”. Après la rencontre avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban à Moscou, le 1er février 2022, le président Poutine a repris l’idée en déclarant : « On nous avait promis que l’infrastructure de l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’est, même d’un centimètre ». Et dans l’entretien accordé au journaliste américain Tucker Carlson deux ans plus tard, le 9 février 2024, le président Poutine reprend à peu près les mêmes mots : « On nous avait promis qu’il n’y aurait pas d’OTAN à l’Est, pas même un pouce à l’Est, comme on nous l’a dit. Et puis quoi ? Ils ont dit, eh bien, ce n’est pas sur papier, alors nous allons développer. » Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a à son tour affirmé le 7 décembre 2022 que l’Occident avait menti sur les assurances selon lesquelles l’OTAN ne s’étendrait pas vers l’est.
Le nombre d’États depuis 1949, année de création du Traité de l’Atlantique Nord, est passé de 12 à 32 aujourd’hui. Les deux dernières, la Finlande et la Suède, l’ont rejoint respectivement en 2023 et 2024, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Outre ses 32 membres, l’OTAN s’associe à plus de 40 pays non membres et organisations internationales pour renforcer la sécurité de l’ensemble de la communauté internationale.
Vérification
Les fondements de l’ordre de sécurité en Europe ont été créés depuis la guerre froide, lorsque l’Union Soviétique et les États-Unis, ainsi que 33 autres États, ont signé la Déclaration d’Helsinki le 1er août 1975, qui stipulait que chaque État souverain était libre de choisir les alliances. Plus tard, avant même l’effondrement de l’Union Soviétique et du Pacte de Varsovie, l’OTAN a lancé une politique d’ouverture au dialogue et à la coopération, destinée non seulement aux pays européens, mais également à la Russie. Révélateurs en ce sens, de la liberté de choix, sont la déclaration faite à l’issue du sommet de Londres du 5 juillet 1990 – le premier des invités étant le président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev – et, les années suivantes, les forums du Partenariat pour la paix, 11 janvier 1994 et du Conseil de partenariat euro-atlantique, en 29 mai 1997. La Fédération de Russie a également participé en 1994 et 1997.
Il convient de souligner que l’un des principes fondateurs de l’OTAN, l’article 10, est que les alliés «peuvent, sur la base d’un accord unanime, inviter à adhérer au traité tout autre État européen prêt à promouvoir ses principes et à contribuer à la sécurité de l’espace nord-atlantique”.
Le 27 mai 1997, la Fédération de Russie signe un partenariat avec l’OTAN, le début de la collaboration étant confirmé par l’«Acte fondateur sur les relations mutuelles, la coopération et la sécurité». Le document ne prévoit aucune limitation à l’expansion de l’alliance transatlantique et précise qu’il ne donne pas de droit de veto à l’OTAN ou à la Russie sur les actions de chacun. Par la suite, le niveau des relations évolue et le 28 mai 2002 le Conseil OTAN-Russie est créé. Le partenariat convenu se concrétise par des actions communes, telles que la lutte contre le trafic de drogue, le terrorisme, le sauvetage des sous-marins en danger et la planification dans le domaine des urgences civiles. Ce partenariat se traduit par exemple par la participation de la Russie, via une contribution militaire considérable, aux troupes de la KFOR, dirigées par l’OTAN sous mandat de l’ONU, pour maintenir la paix.
Le président Poutine lui-même a reconnu dans l’interview du 9 février 2024 qu’il n’existe aucun acte ayant une valeur juridique internationale certifiant la garantie de la non-expansion de l’Alliance de l’Atlantique Nord à partir des années 1990. Il suppose donc que cela aurait été un engagement verbal.
Tout d’abord, n’oublions pas qu’au moment des négociations américano-russes, entamées en février 1990 pour la réunification de l’Allemagne, le Traité de Varsovie, conçu comme contrepoids au bloc transatlantique, était toujours en vigueur. L’accord n’a cessé d’exister que le 3 mars 1991 et a été officiellement dissous lors de la réunion de Prague le 1er juillet 1991. Deuxièmement, même l’ancien président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, a affirmé que la question de l’élargissement n’avait jamais été abordée dans les discussions après 1989. « Le sujet de l’expansion de l’OTAN n’a jamais été abordé ; il n’a pas été soulevé au cours de ces années-là. Je dis cela en toute responsabilité. Aucun pays d’Europe de l’Est n’a soulevé la question, même après la disparition du Pacte de Varsovie en 1991″, a-t-il déclaré dans une interview publiée en octobre 2014.
Conclusion
L’OTAN et l’URSS, puis la Fédération de Russie, n’ont jamais signé aucun document prévoyant un quelconque engagement de ne pas élargir l’organisation. La Russie a accepté l’expansion et a formellement coopéré avec l’Alliance de l’Atlantique Nord après plusieurs années de prétendues promesses selon lesquelles l’OTAN n’admettrait pas de nouveaux membres. L’allégation selon laquelle l’Occident aurait garanti à la Russie que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est est donc fausse.